Prisons : les téléphones se ramassent à la pelle
Par la rédaction pour Nord Eclair, Publié le 28/11/2012
| SOCIÉTÉ | Les murs des prisons de la région n'empêchent plus les téléphones portables d'arriver à flux continu dans les cellules des détenus. Un syndicat pénitentiaire demande une « fouille générale ».
Branle-bas de combat à Sequedin. Dans la nuit du 22 au 23 octobre, les surveillants de la maison d'arrêt sont mobilisés sur une opération spéciale : ils cherchent des téléphones portables. Quinze cellules sont ouvertes par surprise et passées au peigne fin. Bilan : douze appareils saisis.
Dans la même prison, des fouilles similaires ont eu lieu en janvier et en juillet derniers. À chaque fois, la moisson a été excellente. « C'est bien mais c'est vider la mer avec un seau », soupire un cadre de l'administration régionale des prisons. « On est dans une situation délicate où il y a des téléphones en grand nombre dans toutes les prisons, et on ne peut pas faire grand-chose pour l'éviter. » « Les téléphones tournent parfois au vu et au su de tous », renchérit l'avocate lilloise Cherifa Benmouffok.
Les téléphones dans des balles de tennis !
Certains prisonniers ont leur propre appareil, d'autres doivent en mettre un en commun, avec des changements de puces réguliers pour déjouer les écoutes (lire ci-contre). Et si la plupart des détenus s'en servent pour joindre leurs familles, d'autres les utilisent pour continuer à gérer leurs trafics ou menacer des membres de leur entourage. « Une fois, une femme est venue se plaindre, son ex-mari l'appelait de la prison pour la harceler et la menacer de mort », se souvient un gardien.
Des smartphones à écran tactile aux portables plus classiques, en passant par des « mini-portables » plus difficiles à détecter, tous les types d'appareils rentrent en prison, inexorablement, au nez et à la barbe des surveillants.
Il y a d'abord les « projections » au-dessus des murs de la prison. Comme ils le font avec le cannabis, des complices en liberté viennent jeter des téléphones - emmaillotés pour éviter la casse - au-dessus de l'enceinte. À Sequedin, une deuxième clôture extérieure a été ajoutée pour empêcher ce phénomène, mais rien n'y fait : la parade a été trouvée. « Ils mettent le téléphone dans une balle de tennis et l'envoient avec une raquette !
Certains week-ends, il y a une cinquantaine de projections par-dessus les murs », confie, dépité, un cadre de l'administration pénitentiaire. La deuxième enceinte rend les tirs plus imprécis, ce qui permet aux surveillants de ramasser plus d'objets envoyés, mais « il y a ceux qu'on trouve, et ceux qui arrivent à passer aux détenus », constate l'un d'eux.
Autre formule, plus risquée : passer un téléphone via le parloir. Les familles comme les avocats doivent franchir un portique de sécurité avant et après l'entretien, mais « les mini-téléphones n'ont pas de composants métalliques et ne sont pas repérés », dénonce Stéphane Lecerf, délégué syndical de l'Ufap. Un surveillant raconte même avoir déjà contrôlé un détenu qui avait caché un mini-téléphone dans ses parties intimes...
Devant cette profusion, l'Ufap a réclamé à plusieurs reprises une fouille générale de Sequedin et des autres établissements de la région, pour « préserver la sécurité du personnel ». Une formule qui coûterait cher puisque cette procédure implique d'aller chercher des surveillants venus d'ailleurs pour réaliser la fouille. Mais l'idée est jugée inefficace par l'administration. « Ce serait absurde, ça ne réglerait rien, si on le faisait, on devrait tout recommencer quelques semaines plus tard », souligne Alain Jégo, directeur interrégional de l'administration pénitentiaire.
Le brouillage impossible ?
Alors, que faire ? La solution du brouillage, évoquée par les syndicats, est-elle crédible ? « Il existe des moyens pour le faire, mais cela pourrait engendrer des risques pour la santé des détenus ou des personnels d'être exposés en permanence à des ondes de brouillage », explique Alain Jégo. Les seuls systèmes qui pourraient fonctionner seraient des brouillages actifs lorsqu'une communication est détectée. Mais il faudrait y mettre le prix...
Reste une dernière solution : accepter le phénomène et mettre à disposition des détenus des téléphones portables bridés et contrôlés. Une réflexion est en cours à ce sujet à la direction nationale de l'administration, mais le sujet est hautement sensible et risque fort d'être impopulaire...